Discrimination < Éducation

Éditorial

Primaël-Marie Sodonon
4 min readFeb 2, 2023

J’ai récemment été témoin d’une énième situation de discrimination envers une personne issue d’une minorité et en ce mois de l’histoire des noirs, l’envie de prend de disséquer l’origine de cette animosité.

Le véritable problème avec la discrimination raciale, c’est qu’elle implique surtout un très alarmant niveau d’ignorance. Les jugements négatifs, préjugés, stéréotypes proviennent surtout du fait que les membres des majorités ont des lacunes abyssales en ce qui concerne les mondes extérieurs aux leurs. Cela explique la défiance et l’antipathie témoignée à l’égard des minorités. Comme on ne les connait pas, on ignore leurs identités, leurs essences, leurs capacités et l’inconnu inquiète. À contrario c’est ce que l’on connaît, ce qui nous ressemble qui nous rassure et qui nous met en confiance. On se défie donc des minorités dans les sphères sociales, professionnelles et culturelles car elles suscitent avant tout un sentiment d’inconfort voire d’insécurité. Ajoutez à cela la médiatisation massive des aspects négatifs des minorités tels que la pauvreté ou la violence et le cocktail devient gagnant (ou plutôt perdant). Il est cependant intéressant de noter qu’autant dans les pays du nord la médiatisation du sud est péjorative, autant dans les pays du Sud la médiatisation du nord est extrêmement méliorative alimentant de fait les fantasmes positifs et négatifs des deux côtés.

La cause de cette défiance est donc l’ignorance qui a pour origine les carences éducatives. Dans les pays du sud l’éducation sur le nord est quasi absolue : que ce soit à l’école ou à la maison, on enseigne tout sur les pays européens et américains, incluant l’histoire, la politique, l’alimentation, les arts, voire les plans des réseaux de transport urbain. Les “minorités” graduent ainsi avec au minimum une double culture : la leur plus celle de la “majorité dominante”. Ils connaissent leurs interlocuteurs, leurs langues, leurs philosophies, leurs géographies, leurs anthropologies, leurs religions et leurs coutumes.

La réciproque est en revanche honteusement inexistante. Les mondes “extra blancs” ne sont enseignés ni à la maison, ni à l’école et s’ils le sont c’est avec une superficialité qui ne laisse pour ainsi dire aucune trace. Hors de la curiosité intellectuelle personnelle et des recherches individuelles, ces mondes sont quasi non existants et invisibles. Il est difficile, voire impossible, d’être instruit ou d’acquérir une connaissance substantielle et réelle sur les univers africains, sud-américains ou asiatiques via des canaux d’éducation formels ou publics. Cet état de fait est aisément vérifiable: il suffit à chacun de se questionner sur sa capacité à pouvoir citer cinq langues ou capitales africaines ou bien le nom d’un monarque asiatique passé, ou encore le nom d’un peuple autochtone extra américain ou européen.

Détail montrant le roi Kankou Moussa assis sur un trône et tenant une pièce d’or. Dixième « mansa » (roi des rois) de l’empire du Mali de 1312 à 1332 ou 1337

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Les effets concrets de ces dynamiques sont les fractures culturelles et sociales qui ont des manifestations souvent mineures telles que les préjugés ( de type “les musulmans sont des oppresseurs et des batteurs de femmes”) ou plus graves telles que la xénophobie et le racisme.

Les minorités, auxquelles j’appartiens, vivent ces situations et commentaires avec un mélange d’embarras, de déception et surtout de frustration (personnellement de l’exaspération) car aujourd’hui, cette ignorance ne peut être fortuite. L’ignorance complète d’un continent comportant 1,4 milliard de personnes ne peut être un “accident” ou un “hasard” à plus forte raison quand ses ressources naturelles et humaines alimentent le développement économique, industriel et technologique mondial.

En somme, les débats sur le racisme systémique ou les initiatives mises en place tourneront en rond tant que leur cause profonde n’aura pas été traitée: la valeur des mondes extra occidentaux blancs, judéo-chrétiens étant considérée moindre, peu de place n’est accordée à leur exploration et enseignement. C’est cette dévalorisation qui conduit à l’absence d’intérêt pour les minorités, leur stigmatisation ou, dans le meilleur des cas, la surabondance de fantasmes.

Je demeure toutefois optimiste, la mondialisation a parfois du bon et les exportations culturelles se portent bien surtout auprès de nouvelles générations plus cosmopolites et avides de découvertes. “Les jeunes sont l’avenir” dit-on, je leur ferai donc confiance pour la suite.

Pour finir je vous livre en prime mes citations préférées :

- Quand je dis que je viens du Bénin: “Le Bénin? Qu’est-ce que c’est?” (Pas “où” mais “quoi”)
- “J’ai hâte d’aller en Afrique faire un Safari!” (parce que comme chacun sait l’Afrique n’est que savane et girafes)
- “Tu es drôlement cultivé pour un noir ! “ (Personne ne sait quoi répondre à ça…)
- “Est-ce que tu parles africain?” (autre classique) et j’ai déjà eu une fois “ Comment est-ce qu’on dit “telle ou telle chose” en NOIR ? “ ( si, si , je vous jure)

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Primaël-Marie Sodonon

Beninese-Canadian Geographer, Urban planning thinker and environmental critic. Just because people do sh*t, doesn’t mean it’s the right way to go. Fr/Eng ^_^