Décence des besoins essentiels

Primaël-Marie Sodonon
4 min readOct 7, 2020

J’aimerais y aller de mon 2 cent sur la question de ce qui est un service essentiel et ce qui ce qui ne l’est pas. Loin de moi l’idée de minimiser ou de sous-estimer la valeur économique et le travail de nos concitoyens qui tiennent des activités ou des industries ou des commerces qui sont leur gagne pain. Le travail c’est essentiel. Gagner sa vie c’est essentiel, on en a tous besoin. Ceci étant dit j’aimerais aller à l’essence même, c’est le cas de le dire, du mot “essentiel”.

“Essentiel” est un synonyme d’”indispensable” donc quelque chose dont on ne peut se passer. Je vais même aller au plus essentiel : il s’agit de tout ce dont on ne peut se passer pour vivre ou même survivre.

Tout le monde est familier avec la fameuse pyramide de Maslow qui établit une hiérarchie des besoins partant des besoins les plus primaires, donc les besoins physiologiques, jusqu’aux besoins les plus facultatifs, de se réaliser psychologiquement par exemple. Je pense que nous pouvons tous être d’accord que les besoins les plus au bas de la pyramide sont ceux qu’on peut caractériser de plus “essentiels”. Au sein de la société il existe différents services et produits qui nous permettent de satisfaire les différents paliers de ces besoins. Relier des produits et services existants aux besoins existants nous permet de déterminer ce qu’on peut considérer comme étant un service ou un produit plus ou moins essentiel qu’un autre.

Ainsi les produits et services en lien avec les besoins figurant au plus bas niveau de la pyramide sont considérés comme étant les plus importants. Dans l’ordre croissant je pense également que nous pouvons tous être d’accord que répondre aux besoins physiologiques constitue la priorité avant de progressivement s’élever vers des besoins plus abstraits ou plus psychologiques.

Pyramide des besoins humains

Le constat est simple: physiquement et biologiquement si les besoins du corps ne sont pas répondus, la mort est la conséquence directe et implacable. Si certains besoins psychologiques ne sont pas suffisamment répondus la conséquence peut aller de l’inconfort jusqu’à la maladie mentale. Dans les cas extrêmes, la mise en danger de soi-même et de ses proches est possible mais la mort spontanée ne l’est pas. Je pense donc que nous pouvons tous être d’accord que les produits et services essentiels sont avant tout ceux qui ont pour vocation d’empêcher la mort des individus. Je fais ainsi référence à des services tels que l’accès à l’alimentation, l’accès à l’eau, l’accès à la sécurité physique via le logement, l’accès aux soins via les médicaments et les services de santé.

Une fois la vie préservée et sauvegardée pouvons-nous commencer à évaluer la qualité de cette vie. À ce niveau, d’autres types de produits et de services exerceront une influence sur le niveau de qualité de vie soit pauvre, moyenne ou supérieure. Selon les contextes il y aura plus ou moins d’opportunités d’élever la qualité de son niveau de vie. Ces contextes peuvent-être la situation sociale, politique et économique ou sanitaire. Selon la qualité de ces contextes, l’accès aux produits et services favorisant la qualité de vie peuvent différer. Dans des contextes favorables (stabilité politique, paix, économie dynamique, etc), il y aura davantage d’accès aux produits et services offrant une qualité de vie supérieure. Dans les contextes défavorables (guerre, famine, régime autoritaire, pandémie), l’emphase sera davantage mise sur la vie plutôt que sur l’évaluation de la qualité de cette vie. C’est ainsi que dans les pays du G20 des contextes préalablement énoncés sont habituellement favorables tandis que dans les pays en voie de développement ces contextes le sont beaucoup moins. La notion de qualité de vie est donc somme toute relative. La notion de besoin essentiel est donc par conséquent tout aussi relative. Les standards de référence relatifs au caractère essentiel d’un produit ou d’un service sont donc extrêmement variables.

Dans les pays les plus riches, les besoins les plus au bas de l’échelle étant quasi continuellement satisfaits, il ne demeure l’échelle de qualité de vie tandis que dans les pays les moins riches la satisfaction des besoins primaires demeure souvent un défi. De manière inconsciente, les citoyens des pays riches ne réalisent pas que quasiment tous leurs besoins essentiels sont déjà satisfaits et que leurs débats sociaux ne concernent en réalité que l’abolition temporaire de leurs privilèges.

Sans que l’on ne s’en rende bien compte l’essentiel des uns est en réalité le superflu des autres.

Ici et aujourd’hui, nous disposons de quoi manger, de quoi boire, d’un logement pour dormir et de quoi nous vêtir mais ce n’est plus suffisant à nos yeux pour survivre.

Il nous faut un bar, il nous faut un restaurant, il nous faut un musée, il nous faut des discothèques, il nous faut un gym, il nous faut pouvoir aller relaxer à des centaines de kilomètres de chez soi. Il nous est “essentiel” d’avoir tout ça sans quoi nous estimons qu’il y va peut-être de notre survie.

Il existe une expression anglo-saxonne qui décrit le phénomène des sociétés développées, habituellement occidentales, de se plaindre des privilèges dont elles jouissent :

“First world problems”.

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Primaël-Marie Sodonon

Beninese-Canadian Geographer, Urban planning thinker and environmental critic. Just because people do sh*t, doesn’t mean it’s the right way to go. Fr/Eng ^_^